mardi 7 janvier 2014

[ Journal Cuba Acte III ] - Première Partie

Le parfum de cette ville maudite m'est resté en tête pendant tout ce temps. Trois années se sont-elles réellement écoulées depuis la dernière fois que j'ai pu apercevoir ces ruelles sombres depuis la fenêtre d'un hôtel bon marché ? J'ai peine à y croire, mais c'est une vérité que je ne peux pas changer. Cuba, La Havane, font partis intégrante dans mon esprit d'un terrible sentiment d'inachèvement m'habitant depuis trop longtemps. Mon dernier voyage, notre dernier voyage avant de connaître le goût amer de la solitude, la vraie. Je déteste l'amertume. Peut-être que je ne suis pas encore assez mature pour apprécier les saveurs de l'échec ? Je ne peux qu'être la seule fautive de cette histoire. Ou de ma vie entière. Mais regarder sans voir ces ruelles sombres grouillant d'une vie nocturne plus que douteuse me laisse un sentiment de lassitude trop prononcé pour quelqu'un de mon âge. Il y a eu tellement de discorde autours de Cuba que je n'ai plus vraiment espoir de voir le fil de tous ces mystères et de toutes ces tensions se dénouer un jour au profit d'une entente cordiale attendue vainement depuis des mois. Dans le fond, peu m'importe maintenant. On peut bien me reprocher pour la Xème fois d'être partie solo, de faire des choses dangereuses, d'être moi-même ... Je m'en fou. J'en ai sincèrement plus rien à faire. Plus rien à penser. Je n'ai plus rien à prouver, ni aux autres ou à moi-même, tout se résume en une simple, banale et stupide phrase : " Une des malédictions de la solitude, c'est qu'elle vous contraint à penser excessivement à vous-même. "

Ceci étant dis, le sujet est loin d'être clos. Mes deux seuls soutiens, les vrais qui me font douter j'entends, n'ont pas encore cessé de débattre sur la finalité de nos vies communes et des événements courants. Avec un brin d'humour j'entends encore mon compagnon d'infortune me répondre que " Mieux vaut une bonne querelle que la solitude ". Idiot. C'est un proverbe irlandais, et je commence à soupçonner chez lui une brusque envie de remuer le passé. S'il veut jouer à celui qui agacera le plus l'autre, je n'ai plus qu'à l'appeler Lincoln Timothy Matthew Ragean pour le reste de l'année, et on verra qui est le plus cynique de nous deux.

Être solitaire est un choix. Mais la solitude ne l'est pas, elle. Est-ce si difficile à comprendre pour ceux qui savent se montrer sociables, pour qui les personnalités froides ont l'air si différentes ? Si je suis à Cuba aujourd'hui c'est bien pour eux malgré tout ... Quel paradoxe. Je les aime et je les hais en même temps, ces membres de ma fausse vraie famille. Ils m'ont autant apporté qu'ils ne m'ont brisé le coeur, ce qui fait de mon âme blessée une sorte de miroir hors du temps qui n'utilise plus que les apparences pour espérer sauver quelque chose de sa vie qui prend de moins en moins de sens. Je préfère me balader dans un secteur aux mains de la pègre dans un pays étranger loin de mes racines plutôt que de me montrer à ceux qui sont censés m'aider.

Cherchez l'erreur.

Cuba me rend à la fois nostalgique et désillusionnée. C'est probablement la vraie raison de mon retour sur son sol, après tout ... Quand je suis ici, j'espère encore entendre mon téléphone sonner pour me demander si tout va bien. Mais en même temps je sais que si ça a été possible un jour, ça ne peut plus en être de même maintenant. Celui qui a dit un jour que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, ne devait sûrement pas connaître le sens réel et profond du mot " solitude ". Je vie différemment des autres. Ces gens autour de moi, qui commentent le moindre événement de leur petite vie rangée en souriant car c'est bien ce que la société leur demande, ils vivent à un rythme que j'ignore. Je ne vie pas pour montrer à la face du monde ce que je fais au jour le jour. Ce n'est pas ce que mon mentor m'a appris. Il m'a toujours dis que le mérite ne se voit pas à la popularité d'une personne, mais à ce qu'il a de plus par rapport à son voisin. Et à ce qu'il peut faire de plus par rapport à la masse. Que faire lorsque le miroir de ma personne ne fait que me montrer ce que j'ai en moins face aux autres ... ?

Voilà comment je me retrouve ici, maintenant. J'ai encore l'espoir de faire quelque chose, n'importe quoi, pour défaire le noeud relationnel tendu qui étrangle ma vie et qui empêche ma famille d'en être une. Mais en même temps je n'ai même plus peur de mourir en essayant. Pour être plus juste, ça m'est égale. Si je réussi à faire quelque chose, tant mieux. Si j'échoue, tant pis. Cuba est ma dernière carte, le vrai miroir qui sera le reflet de mes capacités pures et vraies. L'occasion pour moi de donner une chance à tout, et tout le monde, à commencer par mon partenaire dont je sens le regard curieux dans mon dos, et qui ne manquera probablement pas de me demander ce que je peux bien fabriquer au milieu de la nuit à taper sur les touches d'un clavier usé en soupirant à la fenêtre de cette chambre d'hôtel miteuse. Je n'espère rien. Je n'attends rien.

Cuba, je te hais et je t'admire. Tu as été le point de départ de ma déchéance ... Mais aussi de mon salut. Il est temps pour moi de déterminer quelle étiquette je dois te donner pour que je puisse savoir qui je suis vraiment, et si ma vie vaut réellement la peine d'être vécue.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.